L'idée que puisse se développer une maladie après un traumatisme en l'absence de toute lésion organique est maintenant ancienne. Des troubles névrotiques provoqués par un accident sans que n'intervienne une cause physique seront observés et décrits dans la deuxième moitié du XIXème siècle après des accidents de chemin de fer.
A cette époque apparaît l'idée toujours actuelle que la frayeur, l'émotion ou la suggestion peuvent provoquer une pathologie durable.
Une querelle se manifeste dès cette époque : est-ce l'accident seul qui détermine le développement de la maladie ou bien est-ce que le trouble observé après l'accident ne fait que révéler un patient névrosé ?
Charcot par exemple prendra partie dans cette querelle en récusant l'existence de la névrose traumatique, estimant que l'apparition de signes névrotiques après une frayeur révèle en réalité une prédisposition du patient, le plus souvent une névrose hystérique.
Cette «querelle» existe toujours. Soit d'un point de vue général où certains pensent que la névrose traumatique n'existe pas. Soit pour un patient donné où il peut être difficile de savoir si les signes cliniques observés sont imputables au traumatisme psychologique ou viennent révéler une pathologie antérieure se manifestant à cette occasion. Cette dernière discussion clinique peut avoir des conséquences importantes (judiciaires, assurances, etc.)
Dans leur histoire, hystérie et névrose traumatique vont se rejoindre un moment. C'est l'époque où Freud (avec d'autres) pense qu'à l'origine du symptôme hystérique, il existe un traumatisme oublié de l'enfance. Il abandonnera par la suite cette hypothèse.
Après les premiers accidents de chemin de fer, ce sont les guerres du XX ème siècle qui vont étayer l'existence de troubles névrotiques provoqués par un traumatisme psychique.
Avec la première guerre mondiale, la névrose traumatique est décrite avec des dénominations variables (névrose de guerre, psychonévrose de guerre, etc.). Les hypothèses psychologiques prennent du poids face aux hypothèses organicistes. Toutefois, de nombreux médecins restent opposés à l'idée qu'un facteur psychologique ou émotionnel puisse à lui seul créer une maladie. Les premières méthodes psychothérapeutiques s'élaborent à cette époque.
La deuxième guerre mondiale puis les autres guerres de l'époque nd-color: #ffmoderne (guerre de Corée, du Vietnam, etc.) vont démontrer l'importance quantitative de ces troubles et vont amener la médecine militaire à les prendre en compte avec des efforts progressifs pour obtenir une prévention efficace. Plus récemment, le syndrome de la guerre du Golfe apparaît pour de nombreux cas correspondre à une névrose traumatique.
Les expériences de la médecine militaire vont s'étendre à la médecine civile avec la description de névrose traumatique après des accidents du travail ou de la voie publique, des attentats terroristes, des agressions criminelles, etc.
Aujourd'hui l'existence du traumatisme psychique n'est plus contestée. Par contre, la compréhension et la description de ce trauma psychique fait l'objet de réflexions théoriques et de débats d'idées complexes avec de nombreuses divergences selon les écoles et les courants de pensées.
La psychiatrie américaine privilégie quant à elle le stress qui accompagne le traumatisme et elle a abandonné le terme de névrose traumatique pour le remplacer par celui d'état de stress post-traumatique. L'abréviation PTSD, pour l'anglais PostTraumatic Stress Disorder est de plus en plus utilisée.
Le traumatisme psychique est le plus souvent secondaire à un événement soudain et brutal.
Il s'agit d'une situation plus ou moins violente avec un caractère plus ou moins destructeur (accident de la route, incendie, catastrophe ferroviaire, etc.).
Le sujet peut-être uniquement spectateur et ne pas avoir été en danger réel.
Face à un tel événement qualifié de stressant, potentiellement traumatique, il est décrit une clinique de réaction immédiate au stress. Il ne faut pas confondre cette clinique, contemporaine de l'événement, avec la névrose traumatique qui elle se développe ultérieurement.
Certaines caractéristiques d'un événement sont volontiers considérées comme susceptibles de favoriser par la suite le développement d'une névrose traumatique.
Dans les approches anglo-saxonnes (théories cognitivo-comportementales) ces caractéristiques associées à l'événement sont même les conditions du développement d'un état de Stress post-traumatique. Cela s'oppose aux approches psychanalytiques qui considèrent que l'événement traumatique devient tel, dans un après coup où là seulement, il prend son caractère traumatisant pour des raisons qui ne sont ni généralisables et ni observables mais "internes" et propres à un sujet donné (traumatisme renvoyant à un traumatisme antérieur, etc.).
Les facteurs aggravants ou les caractéristiques les plus fréquentes d'un événement
traumatique sont :
- Une peur intense, un sentiment d'horreur.
- Un sentiment d'impuissance ou de frustration.
- Un sentiment de culpabilité ou de honte
- L'isolement ou le sentiment d'isolement
- L'incompréhension de la situation
Certes critiquables d'un point de vue théorique, ces caractéristiques de l'événement traumatique peuvent être utilisées pour la prévention des névroses traumatiques (cf. thérapeutique).
Il s'agit de la période, plus moins longue, après le traumatisme qui précède l'apparition des signes cliniques. Le sujet est normal.
Cette période de quelques jours (cas le plus fréquent), peut parfois être de plusieurs mois ou au contraire n'être que de quelques heures.
Il existerait parfois quelques petits signes discrets pouvant attirer l'attention : repli sur soi, sentiment de ne pas être compris, distraction exagérée.
Après le temps de latence, les symptômes de la névrose traumatique apparaissent. Ils sont classiquement séparés en deux groupes : spécifiques et non spécifiques.
Il s'agit du syndrome de répétition caractéristique de la névrose traumatique.
Dans son volet nocturne, le syndrome de répétition se traduit par des rêves ou le plus souvent des cauchemars répétés.
Les cauchemars reproduisent plus ou moins fidèlement la scène traumatique.
Ils sont souvent vécus intensément, provocant volontiers un sommeil agité (cris, gesticulation) ou un réveil.
La fréquence de ces rêves est variable : plusieurs dans une même nuit, quotidiens, hebdomadaires parfois même plus espacés.
A l'état de veille, le sujet revit la scène traumatique avec plus ou moins d'intensité.
Cela peut être une simple rumination mentale à propos de l'événement traumatique. L'évocation répétitive du souvenir peut s'accompagner d'images ou de perceptions plus ou moins vives (odeurs, bruits, etc.).
Parfois la reviviscence diurne de l'événement traumatique prend une allure quasi hallucinatoire, sous forme de "flash back" brefs.
La répétition diurne du traumatisme peut être émotionnelle. Il peut ainsi exister des décharges émotives avec angoisse, agitation ou cris. L'exposition à des situations ressemblant plus ou moins à l'événement traumatique provoque une réactivité émotionnelle et physiologique exagéréé (palpitations, hyperpnée, sudation, etc.).
La réaction de sursaut est une forme élémentaire et fréquente du syndrome de répétition. C'est par exemple un patient qui sursaute dès que sonne le téléphone.
Le sujet développera un certain nombre de conduites d'évitement.
- Il tente d'éviter les pensées, les conversations, les livres, les films à la télévision
qui peuvent être associés au traumatisme.
- Il évite les personnes, les lieus, les activités qui peuvent éveiller un souvenir du
traumatisme.
Ils sont moins caractéristiques d'une névrose traumatique et ils peuvent se rencontrer dans d'autres troubles anxieux ou névrotiques.
Il peut s'agir de conversions (paralysie, cécité, aphonie...) ou de troubles psychosomatiques tels des céphalées, une constipation, des douleurs, des courbatures. Une hypocondrie est possible.
Une anxiété soit permanente avec un tableau proche de l'anxiété généralisée, soit sous forme paroxystique avec un tableau proche du trouble panique.
Des signes d'allure dépressive : fatigabilité, repli sur soi, difficulté de concentration irritabilité et accès de colère.
Des tableaux d'allure paranoïaque avec méfiance et hostilité associées à une quérulence et des revendications en rapport avec le traumatisme.
Une modification de la personnalité, progressive et durable, peut s'observer.
- Le patient perd de sa capacité d'initiative. Il devient dépendant de son entourage avec
une perte de son autonomie, une perte des centres d'intérêt et un repli sur son
univers familier et proche.
- Il peut devenir méfiant, isolé, agressif et revendicatif et se mobiliser pour des actions
en rapport avec le traumatisme (démarche administratives ou judiciaires, etc...)
Peut importe la forme que peut prendre la modification de la personnalité, ce qu'il est important de retenir c'est qu'elle survient après le traumatisme, en relation avec celui-ci et qu'il est possible de saisir leur relation.
Il est possible d'isoler 3 types d'évolutions :
- Un tableau qui reste stable. D'anciens combattants de la 1ère guerre mondiale ont eu des cauchemars répétitifs avec reviviscence d'un événement survenu sur le champ de bataille jusqu'à la fin de leur existence.
- Une amélioration spontanée est possible. Cela reste rare si le syndrome de répétition est installé depuis plusieurs mois
- Une fois le syndrome de répétition installé depuis plus de 3-4 mois, la névrose traumatique reste le plus souvent une affection chronique plus ou moins invalidante. L'intensité des symptômes peut s'estomper globalement mais le plus souvent il est observé une diminution du syndrome de répétition (espacement des cauchemars et des reviviscences diurnes) mais une aggravation des symptômes non spécifiques qui, une fois bien en place, peuvent occuper le devant du tableau clinique.
Les complications classiques des troubles anxieux peuvent émailler l'évolution d'une névrose traumatique : syndrome dépressif, alcoolisme, toxicomanie, surconsommation médicamenteuse (anxiolytiques, hypnotiques).
Des méthodes éducatives et préventives développées par la psychiatrie militaire apparaissent efficaces avant l'exposition à un événement potentiellement traumatique.
Elles consistent avant une opération militaire à s'assurer d'une formation et de la délivrance d'une information sur ce qui est susceptible de se passer, à lui donner un sens, à anticiper les événements pour préparer différentes conduites à tenir. Cela peut diminuer les facteurs de risque : le caractère de surprise, de brutalité inattendue et d'incompréhension des événements.
Elles consistent aussi à la détection des personnes susceptibles de présenter des troubles psychiques et à s'assurer d'une bonne cohésion du groupe ( sentiment de solitude reconnu comme élément lié au traumatisme).
En médecine civile, ces possibilités de prévention primaire sont difficilement transposables. Toutefois, les informations, les simulations d'éventuelles catastrophes (répétition d'alerte incendie, information aux riverains d'usine à risque, etc.) peuvent avoir une efficacité préventive.
Des mesures de prévention se développent après la survenue d'un événement potentiellement traumatique. Elles concernent surtout les structures de soins urgents qui doivent tenir compte de la notion de traumatisme psychique.
L'essentiel est assez simple, il faut diminuer le "temps d'exposition" au stress avec un retour rapide en "zone de sécurité". Il faut garder à l'esprit qu'un service d'urgence n'est pas un lieu particulièrement rassurant. La présence d'un proche doit être facilitée. Il faut penser à écouter le récit spontané de l'accident même si cela n'a pas d'incidence sur les soins somatiques. Expliquer ce que l'on fait pour éviter les inquiétudes, rassurer rapidement devant la normalité des résultats des examens cliniques et para-cliniques.
Il se développe de plus en plus des techniques plus structurées de prise en charge précoce. Elles sont désignées par un terme emprunté au vocabulaire militaire : le debriefing. Volontiers utilisées face à des événements concernant plusieurs victimes (catastrophe naturelle, accident de la route avec nombreuses victimes, ...). Il s'agit d'une technique de groupe visant à favoriser une verbalisation et une évocation rapide de l'événement, à permettre aux individus de retrouver une maîtrise. Il est donné des explications ou une lecture des événements. Il est tenté de désamorcer les sentiments d'échec ou de culpabilité.
L'évaluation précise de l'efficacité de ces méthodes de prévention de la névrose traumatique apparaît donner des résultats plus équivoques que ceux observés en médecine militaire. Certains pensent même qu'elles peuvent avoir tout au contraire des effets iatrogènes.
Dans cette pathologie les psychothérapies constituent l'essentiel du traitement.
L'approche classique favorise une restitution du traumatisme avec le cortège d'émotions qui l'accompagne. Il s'agit de provoquer une abréaction où la reviviscence complète de l'événement dans tous ses détails, avec sa charge émotionnelle, est supposée entraîner une catharsis (purgation, purification).
Classiquement, dans les cas où la reviviscence complète du traumatisme est difficile l'hypnose peut être utilisée pour provoquer une abréaction.
Actuellement il est préféré des techniques comportementales ou cognitives pouvant être associées à l'hypnose. Il peut s'agir d'une technique d'exposition imaginaire à l'événement traumatique associée à une relaxation. Au contraire de l'abréaction, ici le but recherché est de séparer le récit traumatique de ses émotions désagréables et les techniques tendent à redonner une maîtrise et à favoriser une projection dans l'avenir.
Certains antidépresseurs semblent avoir une action, étayée par des études cliniques, sur le syndrome de répétition.
Les antidépresseurs sont utiles si la névroses traumatique se complique d'un syndrome dépressif.
Les anxiolytiques et les hypnotiques sont volontiers utilisés mais les premiers n'agissent pas sur le syndrome de répétition et les seconds n'évitent pas les cauchemars. Le risque d'une dépendance et d'une consommation exagérée n'est pas négligeable.
Juillet 2003 © Serge Delègue
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