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La névrose hystérique

PLAN


I - Généralités

Il existe de nombreuses divergences dans la description des troubles névrotiques. Rappelons qu'il y a deux grandes tendances :

DSMIV et CIM 10 ont éclaté le groupe des névroses et ne reconnaissent pas l'existence d'une pathologie névrotique. Néanmoins, les névroses classiques se retrouvent dans la catégorie des troubles anxieux et en pratique, au-delà des divergences conceptuelles et thérapeutiques sous-tendues par ces différentes classifications, il s'agit souvent d'une simple question de vocabulaire. Un psychiatre « classique » parlera de crise d'angoisse aiguë ou de névrose obsessionnelle là ou un « moderne » préférera parler d'une attaque de panique ou d'un trouble obsessionnel-compulsif (T.O.C.)

Par contre, pour l'hystérie, la divergence entre « l'approche classique française » et l'approche anglo-saxonne (DSM IV, CIM 10) est radicale : la névrose hystérique a disparu des classifications psychiatriques « modernes » .


II - Historique

Il est classique et de bon ton de toujours faire un petit rappel historique lorsque l'on tente de décrire l'hystérie. Il s'agit là souvent de persuader que cette maladie, si difficile à décrire et si variable dans ses manifestations cliniques, n'en n'est pas moins très ancienne et donc « vénérable et très respectable ». Ceci n'ayant bien entendu aucune valeur de démonstration mais juste force de persuasion. Cela permet aussi d'avoir une idée des problèmes soulevés par cette maladie.

Hippocrate. Célèbre médecin de l'antiquité. Son nom nous rappelle l'origine grecque de l'étymologie de l'hystérie, la racine « hyster » désignant la matrice. Cette racine est retrouvée dans de nombreux termes médicaux (hystérectomie, hystérographie, ...) pour désigner l'utérus. Hippocrate, et de nombreux médecins longtemps après lui, désigne l'utérus comme le siège de la maladie hystérique.

Dans l'imagerie médicale ancienne, l'utérus sera souvent décrit comme pouvant se déplacer dans le corps, provocant ainsi toutes sortes de symptômes. L'hystérie est une maladie de la femme. Ici, la femme n'est pas autant que l'homme propriétaire de son corps : l'utérus a une autonomie, c'est une sorte de petit animal. Lorsque cet utérus n'est pas bien tenu à sa place, comme réceptacle d'un foetus pendant la grossesse ou comme réceptacle du sperme masculin, il se déplace et provoque dans ses mouvements des symptômes hystériques.

Cette imagerie a certes perdu toute sa pertinence physiologique mais la connotation morale archaïque subsiste (après tout, chacun peut avoir sa conception de la femme et de son rôle et la médecine ne peut rien apporter sur ce sujet). L'hystérie, maladie féminine, se traite par les rapport sexuels et la maternité, car un utérus occupé restera à sa place... C'est idiot, mais formulé autrement, l'idée d'un bénéfice thérapeutique de la maternité et des rapports sexuels, peut toujours s'entendre.

Charcot. Médecin français du XIX ème siècle. Il travaille à donner à l'hystérie le statut d'une authentique maladie. Neurologue de formation, il va produire des catalogues de signes neurologiques pour décrire les variétés de l'hystérie. Tout cela n'a plus aucun intérêt mais il en subsiste des notions comme la fameuse « grande crise d'hystérie ».

La neurologie est la grande discipline de l'époque et il est remarquable de constater la nette prédominance des symptômes neurologiques chez les hystériques de Charcot : paralysies, troubles de la sensibilité et de la perception, contractures, modifications de réflexes ostéo-tendineux, modifications de l'état de conscience avec des léthargies et des états somnambuliques. De telles manifestations sont parfois observées aujourd'hui mais paraissent devenir plus rares. L'hystérie suit-elle des modes en fonction de l'évolution de la médecine? Ses manifestations sont-elles modifiées par l'observateur ?

La méthode anatomo-clinique est connue : les signes cliniques observés chez le malade seront comparés après son décès avec les lésions observées sur les organes. L'hystérie est une maladie organique sans lésion visible. Son siège est le cerveau. Un cerveau, certes sans lésion observable, mais qui fonctionne mal. Avec Charcot, l'hystérie peut parfois s'observer chez l'homme - qui n'a pas d'utérus mais qui possède, comme la femme, un cerveau pouvant, plus rarement que cette dernière, mal fonctionner -Merci M. Charcot -.

Charcot utilisera l'hypnose pour étudier expérimentalement l'hystérie. Ces résultats n'ont aujourd'hui plus beaucoup d'intérêt, mais l'idée d'un lien entre hypnose et hystérie persiste toujours (idée très discutable).

Babinski. Disciple de Charcot auquel il succède à La Pitié Salpétrière. Il illustre la tendance qui rapproche l'hystérie de la simulation. Déçu par l'impossibilité d'obtenir une clinique objective et stable de l'hystérie, il va surtout s'attacher à distinguer les véritables maladies neurologiques du reste. Il invente un terme le pithiatisme où va se fondre le reste : la simulation, les supercheries, l'hystérie. Ne pas passer à côté d'une maladie organique, « une véritable maladie », devient essentiel pour le médecin. L'hystérie est la conséquence d'une auto-suggestion. Babinski ouvre la voie d'une assimilation de l'hystérie à la simulation et la supercherie.

Freud . Médecin viennois, inventeur de la psychanalyse. Il considère que la maladie hystérique est digne d'être étudiée par un médecin. C'est ce travail sur l'hystérie qui débouchera sur l'invention de la psychanalyse. Aujourd'hui il n'est pas trop exagéré de dire que l'hystérie appartient beaucoup plus à la psychanalyse qu'à la médecine (et à la psychiatrie).

Dans un premier temps, Freud défend l'hypothèse que les symptômes hystériques sont la conséquence d'un traumatisme oublié. Souvent, il s'agit d'un traumatisme de l'enfance avec un caractère sexuel. Freud utilisera l'hypnose pour permettre au malade une reviviscence de la scène traumatique afin d'y retrouver les émotions et les affects liés à ce souvenir oublié. Cette méthode, dite méthode cathartique, permettait d'obtenir la guérison du patient.

C'est l'abandon de la méthode cathartique qui inaugure le début de la psychanalyse. Une des raisons de l'abandon de cette méthode est la constatation faite par Freud, que la plupart des scènes infantiles retrouvées sont des scènes de séduction sexuelle par un adulte, le plus souvent par le père, et son observation critique l'amènera à la conclusion que ces scènes sont des fantasmes produits pas les patients eux-même.

Bien que sur ce point, la réflexion de Freud apparaisse très fine et particulièrement claire, l'idée d'un traumatisme sexuel oublié comme étant à l'origine de symptômes hystériques revient périodiquement. Une « épidémie » de femmes ayant retrouvé, grâce à leur psychothérapeute, les sévices sexuels oubliés de l'enfance a eu lieu aux Etats-Unis dans les années 1980-90.

Avec Freud, il faut retenir que l'hypnose ne peut pas servir à retrouver un passé oublié. La psychanalyse ne consiste pas à retrouver un passé traumatique oublié. Le symptôme hystérique n'est pas important dans ce qu'il nous montre, dans sa manifestation immédiate, mais il doit être interprété dans le cadre d'une psychanalyse.


III - La clinique

La psychiatrie française classique tente de proposer un tableau clinique de l'hystérie. Il s'agit là de catalogues plus ou moins longs de tout ce qui peut être observé dans l'hystérie en sachant que tout y est labile, insaisissable et variable d'un patient à l'autre, d'une époque à l'autre et sans doute d'un médecin à l'autre. L'échec de Charcot nous apprend qu'il est vain de vouloir décrire des tableaux cliniques précis et exhaustifs des symptômes hystériques. L'hystérie se prête mal au regroupement syndromique habituel de la démarche médicale classique.

Néanmoins en pratique, dans une époque donnée pour une culture donnée, ces tableaux peuvent nous aider à nous repérer et à nous guider quelque peu dans nos tentatives de soins.

1/ - La conversion

La conversion désigne une attente somatique hystérique. Cette attente observable cliniquement est sans substrat organique. En pratique le diagnostic de conversion hystérique est posé devant un symptôme ne présentant pas d'origine organique (absence de cohérence physiologique des signes cliniques, normalité des examens complémentaires).

Ce terme de conversion, vient de la psychanalyse. Il suppose un mécanisme du trouble hystérique : un conflit psychique inconscient vient se transposer sur le corps et provoque ainsi un symptôme somatique. Il y a conversion du «  psychique » en somatique.

La conversion ne doit pas être confondue avec la simulation.

Sa durée est très variable (heures, jours, semaines, mois...).

Par extension du concept, il est décrit des conversions psychiques

A/ Manifestations organiques (conversions)

1-Les conversions neurologiques.

Depuis Charcot ce sont les plus classiques même si les plus spectaculaires d'entre-elles deviennent rares.

2-Les troubles végétatifs et digestifs.
3-Troubles du comportement alimentaire

anorexie, boulimie, ...

4-Trouble de la sexualité

frigidité, dyspareunie, vaginisme...

5-Les manifestations paroxystiques

Ce sont les fameuses « crises d'hystérie ». Volontiers bruyantes et spectaculaires.

Evanouissements, crises tétaniformes, pseudo-crises d'épilepsie généralisée, crises d'agitation...

B/ Les manifestations psychiques.(conversions psychiques)

Souvent appelées troubles dissociatifs ou conversions psychiques.

Ce terme de dissociation (trouble dissociatif) est aussi utilisé dans la description de la schizophrénie mais attention, il ne s'agit pas du tout de la même chose. Classiquement, en France, on utilise très peu ce terme pour décrire les troubles psychiques de l'hystérie. Le DSM le remet à la mode pour décrire des troubles supposés autonomes et rattachés à l'hystérie en France.

Les principales manifestations psychique de l'hystérie ou troubles dissociatifs "anglo-saxons" sont :

2/ - La personnalité hystérique

Très tôt dans l'histoire de l'hystérie, s'est développée l'hypothèse de l'existence de dysfonctionnements cérébraux chez l'hystérique. Ces insuffisances du fonctionnement cérébral entraînent des troubles cognitifs qui permettraient de rendre compte de la possibilité des conversions. C'est par exemple le cas de Janet (psychologue célèbre fin XIXème début XXème) qui met en avant un rétrécissement du champ de la conscience de l'hystérique avec les troubles de la mémoire.

En opposition avec ces hypothèses organicistes et cognitives, les approches psychanalytiques devraient être plus réticentes à cette notion de personnalité. Néanmoins la psychanalyse a introduit l'idée de structure où chaque sujet a une structure névrotique, psychotique ou perverse, avec ou sans symptôme. Il y aurait donc au sein de la structure névrotique une structure hystérique, sans que le sujet ainsi structuré développe obligatoirement des conversions (hystérie asymptomatique). Certains considèrent que la personnalité, observable et décrite par des regroupements de traits de caractères est un reflet de la structure.

Il devient ainsi possible de poser un diagnostic de « personnalité hystérique », et d'étayer un diagnostic de conversion devant la présence de traits de personnalité hystérique.

La personnalité hystérique est souvent décrite comme associant :

Chez l'homme, il est décrit des personnalités avec une quête exagérée d'une image virile ou une image caricaturale de l'homosexuel avec une attitude efféminée outrancière.

Cette clinique de la personnalité est de toute évidence des plus subjectives. Nous conseillons d'être prudent et de ne l'utiliser qu'avec parcimonie en remarquant la connotation morale péjorative implicite. Un diagnostic d'hystérie ou de « structure hystérique » chez une femme un peu trop expressive ou séduisante selon un soignant peut parfois nous en apprendre plus sur la personne qui pose ce diagnostic que sur la patiente ...


IV - En pratique

Cette maladie suscite des débats souvent passionnés quant à son existence même. Les classifications « modernes » n'utilisent plus cette catégorie diagnostic. Le DSM a un souhait d'objectivité et propose une clinique facile avec des critères précis où chaque thérapeute arrive au même diagnostic (fidélité interjuge). Issue de la recherche scientifique, cette clinique est très utile pour les essais pharmacologiques.

L'hystérie se prête mal à une clinique qui s'élabore avec des critères objectifs facilement authentifiables. L'hystérie peut apparaître comme un défi à la médecine, elle met en cause la méthode anatomo-clinique, les classifications cliniques. Les signes sont variables, inconstants, labiles. L'hystérie parait suivre des « modes », préférant selon les époques le neurologique, le digestif et peut-être maintenant le psychiatrique. La conversion c'est ce que la médecine ne sait pas expliquer.

Ce terme d'hystérie n'a pas pour autant disparu que ce soit dans le langage commun ou médical.

Qui peut poser le diagnostic d'hystérie ? Au sens strict, c'est un psychanalyste.

Que signifie ce terme au moment ou il est employé par un soignant ? Malheureusement « hystérique » a souvent une connotation fortement péjorative et rejoint (ce qui est une erreur) la simulation et la fausse maladie.

En pratique médicale, la conversion hystérique est réservée pour désigner des signes cliniques qui ne peuvent pas être rattachés à une maladie connue. C'est un diagnostic d'élimination.

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