PLAN
Il existe plusieurs manières de classer et de présenter les maladies. La névrose est un des grands chapitres de la pathologie psychiatrique classique.
En simplifiant, il y a :
⇨Les pathologies psychotiques avec la schizophrénie et la paranoïa.
⇨ Les névroses et très proches, les troubles anxieux.
⇨ Les troubles de l'humeur, dépression, manie, psychose maniaco-dépressive, qui peuvent selon les écoles être un chapitre autonome ou être rattachés selon les maladies soit à la pathologie psychotique soit à la pathologie névrotique.
⇨ Il y a aussi le chapitre des troubles de la personnalité qui peut aussi être autonomisé ou selon les personnalités, être rattaché aux névroses ou aux psychoses.
Les divergences, la diversité des écoles, les courants de pensée qui s'opposent, sont plus nets en psychiatrie que dans les autres disciplines médicales.
Le diagnostic psychiatrique est uniquement un diagnostic clinique basé sur l'entretien avec le malade. Cela reste donc subjectif et il est bien difficile d'avoir des certitudes. Il n'y a pas d'examen complémentaire (radio, biologie, etc.) qui puisse venir confirmer un diagnostic psychiatrique. Il n'y a pas de lésion anatomo-clinique confirmée qui puisse aider à mieux classer et différencier les pathologies.
→ C'est un trouble fréquent.
→ La limite entre le normal et le pathologique est floue et subjective.
→ Le plus souvent, la névrose est peu invalidante et assez bien tolérée par le sujet et son entourage, à la différence de la pathologie psychotique. Mais il existe des formes graves.
→ Il n'y a pas de grave désorganisation de la pensée et de la relation avec la réalité. Le sujet est critique, c'est à dire qu'il a conscience de ses troubles et de leurs caractères pathologiques. Il est demandeur de soin. Cela aussi est à relativiser.
→ Les signes névrotiques sont plus faciles à comprendre. Ces signes sont banals et tout le monde peut en avoir.
→ Les symptômes peuvent entraîner une souffrance et une gène et susciter une demande de soin.
Il s'agit ici de généralités. En pratique, il existe des cas de pathologies névrotiques graves, invalidantes avec des malades qui n'ont aucune demande de soin.
Il est classique d'opposer la névrose à la psychose.
La psychose est plutôt une pathologie lourde, invalidante avec une désorganisation de la pensée et de la relation avec la réalité (délire). Les soins peuvent être imposés au sujet lorsqu'il ne peut pas saisir le caractère pathologique de ses troubles.
A part : les névroses infantiles.
Névrose est un terme médical ancien. Il prendra sa signification actuelle au début du XXe siècle avec la psychanalyse.
La psychiatrie française classique va largement incorporer les acquis de la psychanalyse.
La pensée clinique de Sigmund Freud, l'inventeur de la psychanalyse domine la réflexion sur la notion de névrose.
Il existe classiquement une conception unitaire de la névrose. Dans l'approche psychiatrique classique et dans la psychanalyse, il y a d'abord la névrose, un ensemble qui peut secondairement se subdiviser en plusieurs sous-catégories, névrose hystérique, phobique, obsessionnelle, etc.
En pratique clinique, le terme de névrosé est souvent employé. Le patient dit « névrosé » n'entre pas obligatoirement dans un tableau clinique précis et ne renvoie pas forcément à une des névroses classiques (hystérie, phobique, etc.).
Dans l'approche classique :
• La névrose est une affection psychogène (opposé à organique) où les symptômes sont l'expression symbolique d'un conflit psychique.
• Le conflit est inconscient.
• Le symptôme est un compromis entre un désir inconscient et une défense contre ce désir.
• Les origines du conflit peuvent être mieux comprises en connaissant l'histoire infantile du sujet.
Dans l'approche psychiatrique classique une névrose particulière est souvent associée à une personnalité. La personnalité est une manière d'être en relation avec soi et avec les autres et elle serait le reflet extérieur d'une organisation psychique particulière. Le tableau clinique classique d'une névrose, c'est une personnalité avec des symptômes. Par exemple l'hystérie associe une personnalité hystérique - théâtralisme, labilité des affects, etc.- avec des symptômes, les conversions hystériques.
Des névroses asymptomatiques (sans symptômes) sont possibles dans l'approche classique. Le diagnostic de névrose est posé devant un certain type de personnalité. Dans d'autres approches, il est parlé d'une « structure névrotique », correspondant à une certaine organisation psychique. Il peut ainsi être décrit des névrosés sans que ne soit mis en avant tel ou tel symptôme.
Il existe de plus en plus d'influences diverses qui vont à l'encontre des approches classiques et psychanalytiques. L'influence du comportementalisme puis du cognitivisme, le développement de la neuropharmacologie et des neurosciences contribuent à une divergence entre une clinique classique influencée par la psychanalyse et une clinique américaine (USA) devenue internationale.
A partir des années 1980, la psychiatrie américaine propose une classification des maladies avec des numéros pour ses différentes versions : DSM-III, DSM-IV. La dernière version de la classification internationale des maladies, la CIM-10, (sous l'égide de l'OMS) rejoint en psychiatrie la classification américaine (le DSM-IV).
Ces approches de plus en plus influentes dans la pratique peuvent être caractérisées sommairement ici.
⇨ Elles tendent vers une disparition du concept de névrose. Cette disparition est particulièrement nette avec l'hystérie.
⇨ Elles s'opposent au modèle psychanalytique avec une influence du comportementalisme (cognitivo-comportementalisme).
⇨ Le développement des traitements médicamenteux influence aussi la compréhension et la classification des maladies. Par exemple, l'importance donnée à la dépression et à l'anxiété est pour une grande part secondaire à l'utilisation des antidépresseurs et des anxiolytiques qui agissent sur certains symptômes. Des névrosés de la psychiatrie classique seront ainsi diagnostiqués dépressifs ou dysthymiques.
⇨ Dans ces approches, la clinique tend à s'intéresser aux symptômes les plus faciles à "objectiver" et à décrire pour tenter de gommer la "subjectivité" du diagnostic psychiatrique.
⇨ La névrose n'est plus une entité clinique mais elle est démantelée dans différents troubles : agoraphobie, trouble panique, trouble obsessionnel compulsif, phobie sociale, anxiété généralisée, etc.
⇨ Les personnalités classiquement rattachées à la sémiologie des névroses, sont isolées.
Le névrosé peut être irritant, énervant ou au contraire laisser indifférent. A l'opposé, la folie (psychose) est plutôt inquiétante. L'anxieux hypocondriaque qui revient encore une fois aux urgences pour sa douleur thoracique pourra être accueilli avec plus ou moins d'irritation ou au contraire laisser totalement indifférent une équipe soignante affairée à prendre en charge de "véritables urgences".
L'attitude classique conseillée qui peut servir à nous guider est celle d'une neutralité bienveillante.
Il est préférable d'éviter les attitudes de rejet mais à contrario, d'éviter aussi de se sentir trop touché ou trop concerné par la plainte du névrosé et d'accéder trop facilement à ses demandes dans l'espoir de le rassurer ou de le soulager.
La notion de bénéfices secondaires est souvent employée en pratique. Elle est empruntée à la psychanalyse. Le bénéfice primaire est inconscient, il correspondrait au fait que le symptôme névrotique est la réalisation d'un désir. Le bénéfice secondaire est actuel, et correspond à tous les avantages que le malade obtient de sa maladie. Ces bénéfices pourraient ainsi participer au maintien du symptôme, le malade n'ayant plus intérêt à guérir. Ces bénéfices secondaires peuvent être par exemple les attentions et la mobilisation de sa famille du fait de son hospitalisation, un arrêt de travail, son épouse plus attentive, etc.
Le sentiment que le malade vient à la fois se plaindre d'un symptôme tout en semblant nous dire surtout ne m'améliorez pas, je suis bien comme cela, peut en pratique susciter des réactions soignantes d'irritabilité ou d'agressivité mal contrôlées.
Il est préférable de rester prudent et d'agir avec doigté lorsqu'on est confronté à un symptôme névrotique. Les interprétations hâtives et un peu agressives sont à éviter. Penser percevoir un bénéfice secondaire et s'autoriser une remarque de type : « cela vous arrange bien de ne pas pouvoir travailler » est plutôt déplacée. Ce genre d'interprétations est le plus souvent inutile et peut volontiers détériorer la relation soignant-soigné.
Il n'est pas toujours aisé de rester neutre. L'attitude lisse et constante du professionnel soignant bienveillant peut être mise à mal. Cet anxieux en pleine forme qui demande pour la dixième fois dans la nuit que soit vérifiée sa tension artérielle alors que sa voisine de chambre justifie la mise en route urgente d'une réanimation peut légitimement provoquer une réaction un peu sèche teintée d'une fermeté agressive (voire plus). Les malades peuvent susciter des émotions. Qu'elles soient agressives ou plutôt le contraire, il faut garder une certaine distance avec ces émotions, les observer en quelque sorte, afin d'éviter trop de réactions émotionnelles exagérées.
Les études scientifiques, épidémiologiques, la littérature psychologique, offrent de nombreuses hypothèses sur la genèse des troubles névrotiques.
Des facteurs sont parfois retenus comme favorisant l'apparition d'un tableau clinique. Des études avancent dans certains cas le rôle d'événements dans l'enfance, des particularités de l'histoire familiale (rupture, divorce, etc.), des modes et des "hygiènes" de vie (sédentarité, alimentation, activité sportive, vie affective, etc.).
Il n'y a aucun résultat définitif et utilisable en pratique. Il est vain de croire que la pratique d'une activité sportive amendera la symptomatologie phobique de celui-ci et qu'une alimentation plus régulière et mieux équilibrée avec une "vie sentimentale heureuse" calmera les crises d'angoisse de celle-ci. Il est naïf et prétentieux de croire savoir que l'éloignement de ce jeune homme de sa mère "envahissante" garantira une amélioration de son tableau clinique.
Il faut se méfier de la tentation de donner des conseils en croyant savoir ce qu'il faut faire alors qu'en fait il s'agit souvent de faire la morale en se réfugiant derrière un pseudo-savoir.
Il est préférable aussi de ne pas prendre pour argent comptant le récit explicatif du névrosé. Il pourra ainsi par exemple mettre en avant telle ou telle particularité de son histoire, de son enfance ou de sa situation actuelle (« je ne connais pas mon vrai père », « j'ai été placé parce que mes parents étaient alcooliques », « je suis harcelé à mon travail, « mon mari a une maîtresse », etc.).
Le point de vue du patient est à respecter mais il convient de garder une neutralité sur la cause de ses troubles qu'il peut proposer.
Le plus souvent, les conseils évidents ou les jugements moraux formulés par un soignant ne changeront pas la situation du patient. Le plus souvent, ces conseils ont déjà maintes et maintes fois été donnés par l'entourage et le patient lui-même tente déjà vainement de se les appliquer.
Par exemple :
Dire à un phobique que les souris ne sont pas dangereuses, ou que les vols d'avion sont plus sûr que les trajets automobiles.
Dire à un obsessionnel que ses mains sont propres et qu'à trop les nettoyer, il va au contraire finir par les abîmer.
Dire à l'anxieux qu'il n'a rien et qu'il est inutile de s'inquiéter.
Culpabiliser le névrosé parce qu'il rend infernale la vie de son couple. Croire qu'avec un peu de bonne volonté et d'effort il pourrait s'améliorer, etc.
Mars 2005 © Serge Delègue
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