La psychiatrie est une discipline médicale. C'est la spécialité qui étudie les maladies mentales. Le psychiatre est un médecin, autant d'évidences qu'il faut souvent rappeler, voire revendiquer.
Dire que la psychiatrie est une branche de la médecine, c'est considérer que tous les malheurs ou toutes les souffrances ou toutes les particularités ou tous les comportements anormaux ne sont pas des maladies. C'est distinguer la norme de la santé, l'anormal et le pathologique, la souffrance et la maladie.
La psychiatrie a souvent tendance à quitter le domaine de la médecine pour aller vers l'éducation, la justice, le soutien social, etc. De nombreux psychiatres peuvent avec talent quitter le champ de leur discipline pour s'occuper d'éducation, de problème de société, de développement personnel, de problèmes familiaux ou de couple, de criminologie ou de bien d'autres choses. Ils mobilisent certes des savoir-faire issus de la psychiatrie, mais ne sont plus tout à fait des psychiatres parce qu'alors ils ne sont plus tout à fait dans dans le champ de la médecine.
Somaticien, c'est ainsi que parfois le psychiatre désigne le confrère d'une autre discipline. Le somatique concerne le corps et ses organes (le foie de l'hépatologue, le poumon du pneumologue). Le "somatique" est le domaine de "l'organique" alors que la psychiatrie vise la sphère du psychisme, celle de l'esprit.
La séparation du psychique et du somatique fait écho au vieux dualisme de l'âme et du corps. Cela ne signifie pas pour autant que la psychiatrie propose l'existence d'une âme, mais elle étudie le psychisme dont il ne fait plus aucun doute aujourd'hui que son organe est le cerveau.
Il existe toutefois des controverses parfois virulentes.
-D'un côté les partisans d'une position biologique qui estiment que tous les faits psychiques peuvent être compris par le fonctionnement cérébral et qu'il faut trouver les anomalies du cerveau pour expliquer les troubles mentaux et pouvoir les corriger par des traitements physiques (médicaments, stimulations électriques magnétiques, etc.) qui agissent à ce niveau organique (cerveau, neurones, synapses, neuromédiateurs, etc.),
-Au contraire, les partisans d'une autonomie psychique estiment que l'appareil psychique doit être étudié dans sa spécificité et que l'étude de son support matériel, le cerveau, n'est pas suffisante pour expliquer et soigner les troubles mentaux.
Selon les différents courants de pensée, le langage, les affects, les désirs, les traumatismes,l'histoire du sujet, ses relations aux autres, etc... seront retenus pour comprendre le trouble mental et proposer un soin psychothérapeutique.
La psychiatrie partage le modèle commun à toutes les disciplines médicales. Comme dans les autres spécialités, la sémiologie repère les signes et les symptômes pour les regrouper dans des syndromes. Ensuite, il pourra être diagnostiqué une pathologie. Le traitement sera symptomatique s'il vise l'amélioration des symptômes, et curatif s'il vise à combattre la maladie. Nous retrouvons donc en psychiatrie les 3 étages classiques de la médecine: la sémiologie (les signes cliniques), la pathologie (les maladies) et la thérapeutique en réponse aux deux niveaux précédents.
La psychiatrie est fortement influencée par la société. Ainsi par exemple nous constatons qu' actuellement le "délinquant sexuel" est de plus en plus considéré comme un malade qui doit être soigné. Il ne s'agit pas uniquement d'une évolution interne à la psychiatrie, de nombreux acteurs extérieurs à la discipline poussent dans cette direction (justice, politique, les mentalités, etc.)
Un autre exemple classique qui illustre le poids de la société et de l'histoire est celui de l'URSS, où les psychiatres étaient amenés à soigner des névrosés qui n'assimilaient pas les vérités du communisme.
L'époque, avec ses mentalités, participe à la délimitation du champ psychiatrique. Ce qui fait que cet alcoolique violent qui a agressé son épouse sera tantôt dirigé vers l'hôpital, tantôt vers le tribunal, ne reflète pas uniquement l'état de la science médicale psychiatrique mais aussi celui de la société à un moment donné.
L'histoire prend une importance particulière en psychiatrie. Il est souvent proposé un petit rappel historique avant d'aborder une maladie. Il ne s'agit pas uniquement d'augmenter la culture générale de l'interlocuteur mais surtout de mieux comprendre une pathologie à la lumière de cette dimension historique.
C'est aussi l'histoire qui aide à mieux appréhender le rôle des structures de soins psychiatriques.
Simplifions :
L'aliéniste est l'ancêtre du psychiatre hospitalier. Les aliénés son enfermés dans leur maladie mentale qui les coupe du monde et ils sont parfois enfermés dans un asile d'aliénés, l'ancêtre de l'hôpital psychiatrique. L'asile a une double fonction: il protège simultanément l'aliéné de la société, et il protège la société de l'aliéné.
Cette double fonction est toujours celle de l'hôpital actuel. Les malades peuvent être hospitalisés contre leur volonté, soit pour les protéger soit pour protéger la société de leurs comportements. Il n'y a pas que les médecins et les soignants qui décident de la nécessité d'une hospitalisation. Justice, administrations (préfecture), politiques locaux, entourage, famille ont tous leur mot à dire dans cette histoire. Il peut y avoir de fortes divergences.
Autrement dit une logique de soins dispensés à un malade n'est pas la seule à déterminer la nécessité d'une hospitalisation. Le premier rôle historique de l'asile n'est pas le soin mais la protection des malades et de la société.
Ce n'est que dans un second temps que des médecins et des soignants ont commencé à se rendre compte qu'il ne s'agissait pas uniquement d'enfermer des gens, dangereux pour eux-mêmes ou pour les autres, mais qu'il s'agissait aussi de malades atteints de maladies. Il devenait nécessaire de comprendre, de décrire et de soigner ces maladies.
Jusqu'au XX°siècle, la psychiatrie et la neurologie forment une discipline unique. C'est la même spécialité médicale qui étudie les épileptiques et les hystériques.
La discipline va se scinder : - La neurologie concerne les maladies provoquées par des lésions du système nerveux (encéphale, moelle épinière, nerfs périphériques) ; - La psychiatrie concerne les maladies ou il n'est pas retrouvé de lésion du cerveau permettant de comprendre l'étiologie de la maladie. Une origine non organique, psychique, est possible.
Cette séparation de la neurologie et de la psychiatrie n'est cependant pas aussi tranchée. Certains pensent que les disciplines pourront se rapprocher quand ont aura découvert le mécanisme physiopathologique qu'ils supposent être la cause des maladies psychiatriques.
A contrario, certaines maladies « classiquement » neurologiques, c'est à dire avec des lésions organiques connues, sont en pratique prises en charge par la psychiatrie et ses structures de soins. Il s'agit de maladies qui entrainent des troubles du jugement et du comportement (malade de Alzheimer, syndrome de korsakoff, etc.)
La psychologie n'est pas une discipline médicale. C'est la partie de la philosophie qui étudie les passions, les sentiments, la conscience, etc.
A la fin du XIX°, la psychologie va se rapprocher de la médecine. Des psychologues vont entrer dans les hôpitaux et collaborer avec les médecins (Pierre Janet est un illustre représentant de ce rapprochement). Une psychologie clinique va se constituer. Elle va participer à la description, à la compréhension et aux soins.
L'influence mutuelle de la médecine et de la psychologie va participer à l'émergence de l'idée qu'il est possible de soigner sans moyens physiques (médicaments, chirurgie, etc.) mais avec des moyens "psychologiques" (la parole, la relation, etc.). La psychothérapie se constitue ainsi à la fin du XIX°s.
Rapidement la psychothérapie va devenir « plurielle », avec des modèles théoriques et des méthodes de soins différents selon les écoles. Aujourd'hui le psychothérapeute peut être médecin, psychologue clinicien, ou ni l'un ni l'autre (ce qui n'est pas sans parfois poser quelques problèmes : charlatanisme, dérives sectaires, etc.).
La discipline fondée par Sigmund Freud va rapidement s'autonomiser. Elle s'appuie sur la "découverte de l'inconscient" pour éclairer les symptômes, et la cure psychanalytique est sa technique centrale.
Les psychanalystes sont le plus souvent des psychiatres ou des psychologues, mais peuvent être ni l'un ni l'autre. Ils peuvent exercer au-delà de la cure psychanalytique classique (allongé sur un divan) mais dans des techniques plus souples "d'orientation psychanalytique"
Février 2009 © Serge Delègue
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